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12 juin 2006 1 12 /06 /juin /2006 18:05

 

 

Suite aux morsures gravissimes de chiens sur des enfants de ces dernières semaines, la spécialiste du comportement canin Laurence Bruder Sergent qui rédige des articles pour les lecteurs des DNA depuis quelques années, nous donne son avis.

 

  

 

Chaque année, approximativement à la même période surviennent de tels drames. On en parle beaucoup moins aux saisons froides que lors des beaux jours. Il est alors possible de faire la relation entre la météorologie propice aux sorties, la détente qui fait se relâcher la vigilance, les promenades plus fréquentes des chiens mais aussi les activités extérieures des enfants.

 

 

 Peut-on vraiment parler d’accident ou s’agit-il d’une combinaison de différents facteurs favorisant la survenue de tels drames ?

 

Un animal qui a passé de longs mois confiné avec de courtes promenades sanitaires se retrouve avec une bonne dose d’énergie à décharger. Si pour couronner le tout, la personne qui promène le chien ne sait pas comment le contrôler, les accidents sont vite arrivés. Ajoutons à cela le caractère parfois belliqueux ou instable de certains chiens que leurs maîtres n’ont pas travaillé à corriger, et tout concourre à créer un problème.

 

 

 Pourquoi certaines races attaquent plus que d’autres ?

 

Certains chiens sont d’un tempérament beaucoup plus réactif que d’autres. Alors qu’un bon gros pépère au caractère calme ne perdra pas son flegme facilement, d’autres bondissent à la moindre tension.

 

Parmi certaines classes de chiens, il en est à surveiller de près, tout autant que les molosses montrés du doigt ces temps-ci. Les terriers par exemple. Ou les chiens de garde. Ou les bergers. Ou les retrievers. Ou les primitifs (husky et autre). Eux aussi peuvent être nerveux, fatigués, stressés. Tous les chiens sont susceptibles, un jour, de mordre quelqu’un.

 

Il est rassurant de cataloguer des individus, mais si nous transposons aux humains la théorie de la loi sur les chiens dits dangereux : serait-il acceptable de dire que certaines « races » d’humains sont plus dangereuses que d’autres ? Non évidemment, il n’est pas envisageable de réduire ainsi des êtres vivants. On ne s’est pourtant pas gêné pour le faire pour les chiens. Certes les molosses sont plus puissants que les petits chiens, mais l’agressivité n’est pas proportionnelle au volume de l’animal !

 

 

 

La différence entre une morsure commise par tous ces chiens réside dans plusieurs éléments : la force de la mâchoire (entre un yorkshire et un saint Bernard, il est aisé de savoir lequel commettra le plus de dégâts), dans le caractère de base du chien (s’il est de nature à s’énerver facilement par exemple), mais surtout, de l’éducation qu’il aura reçu depuis sa naissance.

 

Un chien qui n’a pas été préparé très tôt à un maximum de stimulations risque, un jour, d’avoir une réaction de peur, voire d’agressivité.

Je rappelle que face à une peur, un être vivant va devoir trouver une adaptation : s’enfuir (certains chiens savent parfaitement s’échapper lorsqu’ils ressentent un inconfort), s’immobiliser en attendant que le danger passe (il s’agit plutôt de l’attitude des reptiles), et si aucune de ces possibilités n’est envisageable, il n’y a plus que la solution d’agresser. Donc en cas de peur, si votre chien est d’un fort tempérament, il y a de fortes chances qu’il choisisse d’attaquer plutôt que de s’enfuir.

Quant à l’agressivité exacerbée de certains individus, elle peut être provoquée par l’irresponsabilité des propriétaires qui n’ont pas mesuré le danger potentiel que représentent leurs chiens ou qui la provoquent sciemment ! Dans les Dernières Nouvelles d’Alsace du 13 juin 2006, un jeune homme annonce fièrement qu’il a frappé son chien pour le rendre plus agressif. Est-ce le chien qu’il faut blâmer ou le maître (absolument pas maître, justement !) irresponsable ?

 

 

On comprend aussi l’importance du travail de celui qui fait naître des chiots : il devrait être obligatoire de les sociabiliser au plus tôt et de les éduquer au mieux. A deux mois déjà (l’âge légal de vente d’un chien) les petits ont déjà acquis un minimum de connaissances et plus le temps passe, plus leur potentiel d’acquisition de nouveaux apprentissages diminue. S’ils sont privés de stimulations dès leur plus jeune âge et s’ils ne sont pas éduqués correctement, alors en effet, on peut s’inquiéter de ce qu’ils deviendront.

  

 

Comment savoir si votre chien peut mordre quelqu’un un jour ?

 

Un chien psychologiquement stable n’attaquera pas sans avoir donné d’avertissements préalables, même si ces signes n’ont pas immédiatement précédé la morsure.

 

Si votre chien a déjà eu des attitudes violentes, s’il a déjà grogné, montré les dents, pincé ou mordu, ne négligez pas ces signes.

 

Il vous a donné des indications que vous ne devez pas ignorer.

 

Un chien peut menacer et avoir raison de menacer. Il est plutôt bon signe que l’animal prévienne avant de mordre car s’il attaque sans qu’on s’y attende, c’est terriblement dangereux, il peut aller jusqu’à tuer et vous n’aurez rien compris à ce qui s’est passé.

 

Il est donc de votre responsabilité de ne pas ignorer ses faiblesses et d’agir en conséquence.

 

Si vous avez un doute quant au potentiel de votre chien, parlez-en à des spécialistes, pas à votre voisin ! Vous avez besoin d’informations fiables, venant de professionnels avertis et compétents. Vous leur expliquerez ce que vous avez constaté et ils pourront vous aider à y voir plus clair, et agir avec vous si c’est utile. Plusieurs alternatives peuvent se présenter : certains chiens auront besoin d’être dressés, certains maîtres éduqués à savoir réagir de manière adéquate, et parfois il faudra travailler sur des peurs ciblées pour habituer le chien à ne pas perdre son calme lorsqu’il est confronté à une situation qu’il ne connaît pas.

 

D’autre part, il est inutile de se voiler la face, certains chiens seront trop instables pour que l’on puisse se permettre de courir un quelconque risque. Si le vôtre est concerné, vous devez lui mettre une muselière pour protéger vos proches et vos concitoyens.

 

 

 

 Lorsque l’on veut comprendre ce qui s’est passé dans les cas de ces morsures, il convient de s’interroger sur différents points pour bien en cerner les caractéristiques :

 

 

 

-         le chien avait-il déjà côtoyé des enfants ?

 

-         comment leur rencontre s’était-elle passée ?

 

-         connaissait-il celui qu’il a mordu ?

 

-         où l’accident a t-il eu lieu ? le chien connaît-il ce lieu ?

 

-         que faisait l’enfant au moment de la morsure ? a-t-il parlé au chien ?

 

-         le chien avait-il donné des signes d’agressivité au préalable (le jour même ou n’importe quand précédemment, même un an avant) ?

 

-         avait-il été dressé à l’attaque ?

 

-         avait-il été éduqué comme chien de compagnie ?

 

-         quel a été le programme de la journée du chien ? qu’avait-il fait avant ? était-il fatigué, tendu, stressé ?

 

-         qui le promenait ? Etait-ce son maître, une personne connue de lui ? Etait-ce la première fois que cette personne s’occupait de lui ?

 

-         le chien a-t-il un caractère fort ? son maître sait-il le contrôler ?

 

-         y avait-il de la nourriture sur place ?

 

 

 

 

 

L’objectif de cet article n’est pas d’excuser les chiens mordeurs, mais de comprendre ce qui a pu amener un animal à choisir cette attitude extrême plutôt qu’une autre. C’est vrai, les amstaff, rottweiler et autres ont un potentiel d’attaque énorme. Il est facile de les transformer en armes, et même si un petit nombre d’entre eux deviennent dangereux tous seuls, la plupart a bénéficié de l’aide (volontaire ou non) d’un humain pour le devenir. Plutôt que d’interdire, pourquoi ne pas obliger les propriétaires à prendre des cours pour apprendre à contrôler leurs animaux ?

 

  

 

 

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