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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 13:18

Attentes conscientes et inconscientes des propriétaires de chiens

La comportementaliste Laurence Bruder Sergent nous propose aujourd’hui une réflexion sur les raisons conscientes et inconscientes qui font que nous avons choisi cet animal-là, et pas un autre, pour vivre à nos côtés.

Parmi les réponses les plus fréquemment citées à cette question, on trouve « parce que j’aime cet animal, parce qu’il est beau, parce que j’aime le promener dans la nature, passer du temps à le dresser, le présenter à des concours… ».

Et lorsque l’on pousse un peu plus loin, on peut entendre « parce qu’il me rappelle le chien de mon enfance, parce que j’ai toujours entendu dire que les bergers allemands sont intelligents, parce que je suis une fan de tel film dans lequel figurait un jack russel, parce qu’un chien est dévoué, affectueux, fidèle, qu’il ne juge pas… » et on commence déjà à percevoir qu’il y a peut-être des motivations plus profondes que la seule esthétique.

Bien sûr on entendra aussi des arguments quant à une certaine forme d’utilité : « parce que je suis seul et qu’il est une présence, pour me protéger des malveillants, pour occuper mon temps libre… » et on comprend alors que le chien est plus qu’un simple animal de compagnie.

Il comble nos besoins et désirs avoués et inavoués, il nous fait plaisir, il flatte nos égos, il remplit des tâches qu’on lui assigne sans même s’en rendre compte.

 

Quelques avantages à avoir un chien, aux dires de certaines personnes (véridique !) :

-      remplacement d’enfant (le chien porte d’ailleurs un prénom d’humain),

-      prothèse affective (les personnes aux tendances mélancoliques trouvent un soulagement du fait de la présence de leur animal)

-      substitut de conjoint (il accompagne d’ailleurs la personne qui se rend chez des amis),

-      soutien moral(il participe à l’éducation des enfants),

-      valorisation sociale (le fait de contrôler un animal impressionnant rend fier celui qui est en bout de laisse),

-      l’alibi idéal pour refuser une sortie (puisqu’on ne peut pas laisser Pilou tout seul trop longtemps),

-      il peut aussi se transformer en coach sportif pour nous aider à perdre du poids (on fait de grandes promenades ensemble)

-      il est élément distrayant au quotidien (puisqu’il faut le sortir régulièrement, jouer avec lui et même le regarder dormir) ! Cela aide à passer le temps.

-      et aussi agent matrimonial pour faire des rencontres (on retrouve d’autres maîtres et on se promène ensemble).

 

 

-                     TEREBENTINE est un magnifique chien de 40 kilos. Il vit seul avec sa maîtresse. Le mari de cette dernière est décédé un an auparavant et les enfants ont quitté la maison depuis longtemps. Madame F. prend contact avec moi parce que « Térèb’ » n’arrête pas de sauter sur les personnes qui arrivent chez elle, il n’en finit plus de les suivre partout et de les flairer durant tout le temps de leur présence. Elle n’ose plus convier ses amis à dîner et souhaite que les choses changent.

En prenant renseignement sur le mode relationnel de TEREBENTINE et de sa maîtresse, j’apprends que le chien dort avec elle depuis le décès du mari, qu’il ne la quitte pas d’une semelle (jusque dans les toilettes !), qu’il interdit même au fils d’embrasser sa mère quand il vient la voir.

Certes il s’y prend toujours de manière amicale. Faussement amicale. Il saute sur les gens, leur mordille « gentiment » (d’après la propriétaire) les vêtements, exige d’être caressé comme un despote qui voudrait qu’on lui fasse allégeance, se couche sur leurs pieds ou s’assied contre eux s’ils sont sur le canapé.

A vrai dire la maîtresse de Térèb’ a une part de responsabilité dans le comportement de son chien : elle lui a accordé tant de privilèges qu’il a appris qu’il pouvait décider de tout.

Il faudra faire en sorte que la maîtresse ouvre les yeux, qu’elle remarque que Térèb’ se comporte exactement comme elle l’attendait sans se l’avouer. Il a pris la place de son mari défunt sur certains points dans le quotidien.

En deux séances avec Madame F., la question est réglée, Térèb’ est plus calme, il salue les arrivants joyeusement mais s’arrête et va à la place indiquée par sa maîtresse lorsqu’elle le lui demande calmement mais fermement.

Elle a repris le contrôle de la situation et montré à son chien qu’elle n’était pas si faible que cela, qu’elle pouvait se gérer toute seule.

 

 

 

CANAILLE est une chienne bouledogue français bien caractérielle. Mr et Mme D. ont un petit garçon difficile, assez désobéissant et parfois violent, il semble qu’un handicap l’affecte dont il ne m’est pas fait de description précise. Déçus de ne pas avoir de relation affectueuse, ludique et interactive satisfaisante avec lui, ils achètent une chienne pour « combler leurs envies de câlins et d’harmonie ».

Ils l’appellent Canaille.

Au départ, le chiot est mignon, amusant et attendrissant. Puis arrive l’adolescence (du chiot !), le lit est déchiqueté, les chaussures dévorées, le canapé dévasté. Les voisins se plaignent des aboiements incessants, même quand les propriétaires de Canaille sont présents !

Mr et Mme D. m’appellent, ils sont inquiets, ils ne comprennent pas pourquoi la chienne qu’ils aiment tant et dont ils prennent un soin frénétique se comporte ainsi.

La question est délicate, il me faut amener mes clients à prendre conscience que les attentes qu’ils projettent sont trop fortes pour Canaille. Elle ne trouve pas sa place dans cette relation fusionnelle, elle cherche à se sortir de cet inconfort mais ses maîtres ne tiennent pas compte de ses signaux de détresse.

Nous décidons ensemble de faire évoluer le quotidien de toute la famille. Canaille change de nom, elle est désormais Canelle. Elle ne va plus être portée en permanence et papouillée toutes les deux minutes, elle ne prend plus ses repas sur les genoux de Monsieur ou Madame, elle passe un peu plus de temps dans son panier et un peu moins dans le porte bébé.

A notre rendez-vous suivant, c’est le petit garçon qui me raconte qu’il a maintenant le droit de tenir la laisse de Canelle quand il part en promenade avec ses parents, qu’elle est beaucoup plus calme à la maison, elle aboie moins et elle n’essaie plus de le mordre quand il fait un câlin à sa maman.

 

 

J’aurai pu vous raconter l’histoire de ce maître chien de sécurité qui a appelé son chien Lucifer (pour insister encore plus sur l’attitude offensive de son chien en cas de besoin ?) ou encore celle de Tennis, jeune Saint Bernard qui doit suivre sa maîtresse dans ses séances d’échauffement en solitaire alors qu’il rêve d’une bonne sieste tranquillement au chaud.

Ou peut-être celle de Sidonie et Aglaé, les deux petites yorks qui n’en finissent pas de se battre pour être chacune la première dans les bras du maître.

A la lecture de ces histoires vraies, on perçoit les charges qui peuvent peser sur nos chiens sans même nous en rendre compte.

Aimer et prendre soin de notre chien est une attitude normale, lui faire porter le poids de nos manques l’est beaucoup moins, car cela peut engendrer chez eux des comportements déplaisants ou envahissants.

.

 

Laurence Bruder Sergent

www.vox-animae.com

 

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commentaires

D
Analyser et comprendre son chien : c'est le début d'une VRAIE histoire ! Là, vous saurez comment faire ! TOUT SIMPLEMENT !!!
Répondre