La hiérarchie
Le chien est un mammifère social, comme l'homme. C’est-à-dire qu’il vit en société et dans toute société, des règles de vie sont indispensables pour la bonne gestion de la communauté. Par conséquent, les chiens fonctionnent entre eux selon une organisation précise : un système social, une hiérarchie clairement établie avec des dominants et des dominés, qui permet la stabilité du groupe, où chacun a sa place et agit selon les même rituels.
Il s’agit là de notions qui concernent l’état sauvage, c’est-à-dire lorsque l’homme n’intervient pas, et il ne s’agit pas non plus de chiens domestiqués, puisque s’ils le sont, c’est justement par des humains.
Il n’est donc pas opportun, comme nous le faisons malheureusement depuis des décennies, à transférer à nos relations Humains/Chiens, ce qui a cours dans le milieu Chien/Chien.
Lorsque plusieurs chiens domestiques vivent ensemble
Les chiens domestiques ne fonctionnent pas selon des règles strictes et immuables. La hiérarchie peut être fluctuante, le statut de « dominant » pouvant être occupé alternativement par l’un ou l’autre des chiens en présence.
Si vous êtes propriétaire de plusieurs chiens, il est possible que règne une hiérarchie claire et nette entre eux, avec un leader distinctement identifié et respecté.
Mais il est aussi possible que les rôles soient changeants, avec dans certains contextes un meneur et un ou plusieurs suiveurs. Par exemple, un premier chien qui élit domicile sur le canapé et l’interdit au second, qui lui, a accès à la nourriture en priorité et n’autorise le premier à se nourrir que lorsqu’il a terminé.
Dans la première situation (deux ou plusieurs chiens organisés en hiérarchie établie), il est conseillé de conforter le dominant du groupe, c’est-à-dire le plus fort, et pas le plus faible. Cela est difficilement concevable du point de vue humain, car une de nos règles sociales est de soutenir les plus faibles.
Mais cela ne se passe pas ainsi chez le chien. Si l'on soutient le dominé, on va à l’encontre de la hiérarchie interne à leur groupe, et les repères disparaissent entre les individus qui le composent. Des conflits internes peuvent alors survenir et même s’élargir à tout le système familial : celui qui est dominé tentera de gagner quelques échelons dans la hiérarchie, ce qui ne sera pas sans déclencher les foudres de celui qui occupe la place ! De sévères bagarres peuvent en être la conséquence, au désarroi des propriétaires qui voudraient que tout le monde s’entende bien.
Dans la seconde situation (et dans la première aussi), peu importe que la hiérarchie entre les deux chiens varie, l’important reste que votre leadership à vous, fasse l’unanimité.
Qu’en est-il des relations entre l’homme et le chien ?
La thèse qui avait cours depuis des décennies dans les milieux du chien, considérait qu’il fallait transposer les points de hiérarchie évoqués plus haut à la relation Homme / Chien, c’est-à-dire qu’il fallait forcément un dominant, et de préférence, que ce soit l’humain. Considération qui a amené pendant des années la plupart des professionnels à conseiller aux humains de se prendre pour « Alpha » avec leurs chiens.
Cette position ne tient pas compte de deux éléments cruciaux : tout d’abord, notre chien domestique est captif, ce qui signifie qu’il ne dispose d’aucune liberté, c’est son humain qui le contrôle, lui permet de se nourrir, de se reproduire (éventuellement), d’établir des relations sociales.
Ensuite, le chien et l’humain appartiennent à deux espèces différentes. Comment pourrait-il y avoir une hiérarchie entre deux systèmes opposés sur des points aussi fondamentaux que la pensée, la conscience, le fonctionnement mental, le système social, les modes de communication ?
Le premier éthologiste français à avoir parlé d’absence de hiérarchie inter spécifique est à ma connaissance, Michel Chanton.
Lors d’une conférence dispensée en septembre 2004 à l’Université des Comportementalistes, il a développé l’hypothèse selon laquelle il ne peut exister de hiérarchie entre deux espèces différentes.
Un bon nombre de comportementalistes présents dans l’assemblée ce jour-là a été surpris devant une telle affirmation, en contradiction avec les idées admises depuis si longtemps.
La théorie est celle-ci : le chien familier, c’est-à-dire qui vit dans la famille, ne fonctionne pas de la même façon qu’à l’état sauvage, même si certains comportements se retrouvent. Nous ne sommes pas de la même espèce, il ne faut donc pas s’attendre à ce que votre chien vous prenne pour son Alpha : il n’est pas dupe, vous ne ressemblez pas à un chien.
Il n’en reste pas moins que dans le système que nous formons avec nos chiens, un minimum de règles est indispensable au bon équilibre et à la bonne cohabitation de tous.
Chez les canidés, la hiérarchie, c’est-à-dire la bonne organisation du groupe, est une composante sociale importante, qui contribue à la stabilité et à la survie de tous.
Certaines attitudes sont intolérables pour les humains comme pour les chiens et votre compagnon peut tout à fait se conformer à vos règles de vie dans la maison et en extérieur.
Ou alors, il peut fixer, lui, les règles, et prendre rapidement le contrôle de la petite « meute » que vous formez avec lui.
Avec un peu de doigté nous pouvons nous faire respecter en tant que leader (dans le sens de « meneur », pas dans le sens de « supérieur » !) sans passer par la dictature.
Un meneur est un repère rassurant et sécurisant, un dictateur agit sous le régime de la terreur.
Vous-même, votre conjoint, voire vos enfants (à partir d’un certain âge), pouvez vous faire respecter de lui (comme vous le respectez), c’est-à-dire lui accorder des privilèges, tolérer certains comportements, être laxistes sur quelques points insignifiants et dans le même temps, lui demander de se conformer à vos contraintes.
Il est très important pour un chien de vivre dans un système clair, il a besoin pour son équilibre psychologique d’une place établie et sans équivoque au sein du groupe. Il n’y a rien de pire pour semer le trouble dans l’esprit d’un chien que la confusion.
Etre le meneur du chien ne signifie aucunement qu’il faut user de brutalité, mais simplement de fermeté et de cohérence.
N’imaginez pas qu’il va en souffrir, au contraire : si vous fonctionnez comme lui, en tenant compte de sa réalité (sans projeter la vôtre sur lui), il trouvera sa place dans votre famille et sera à l’aise dans les codes qu’il connaît.
D’autre part, je rappelle que vous êtes responsable de votre chien. Ainsi, même s’il vous parait inutile de lui apprendre quelques règles de savoir-vivre à l’intérieur de votre foyer, il est de votre responsabilité de vous faire obéir par votre chien dès lors que votre rencontrez d’autres personnes : pour sa sécurité, la vôtre, et celle de vos concitoyens, vous devez avoir un minimum de maîtrise de votre compagnon.
Etre le meneur c’est imposer certaines règles sans pour autant faire d’abus de pouvoir. On craint un dictateur mais on respecte un démocrate. Mieux vaut donc que votre chien se sente sécurisé et rassuré, plutôt que terrorisé. Cessons de voir nos chiens comme nos « dominés », arrêtons de nous prendre pour les maîtres du monde, respectons la vie et la nature de nos chiens. Ils le méritent tellement….
Laurence Bruder Sergent
Comportementaliste en Alsace
Déplacement à domicile ou sur consultation
www.comportement-canin.com
03 88 48 87 85 / 06 82 48 25 47